Le Siné Saloum, c’est pas du bidon !

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Le Siné Saloum, au sud de Dakar, est le delta du fleuve Saloum,  royaume de la mangrove et des oiseaux, paradis de la pirogue et des pêcheurs, l’enfer pour les poissons !!  Les bolongs (bras de mer) séparent des dizaines d’îles. Des villages de pêcheurs sérères s’y nichent et sont quelquefois repérables grâce aux minarets des mosquées. Comme le disent les habitants : «  c’est enclavé ! ».

La venue dans le Saloum, pour Aurélien et Flora, c’est réaliser une mission pour Voiles Sans Frontières : visiter les villages et évaluer la satisfaction des villageois avec l’arrivée de l’eau du continent par une nouvelle adduction.

Avant tout il faut pénétrer dans le Saloum et prendre le temps de s’inscrire à une compétition de  slalom géant, épreuve nécessaire pour traverser une forêt de flotteurs (repères des casiers et filets des pêcheurs) qui gardent l’entrée de la côte. Une fois franchie la passe, si possible sans contre-courant, c’est l’entrée dans le labyrinthe des bolongs où le GPS devient vraiment votre ami !

Au mouillage de Djirnda

Arrivés dans les larges méandres du Saloum, Aurélien ne boude pas son plaisir de tirer un bord dès que le vent y est propice, on économise le gasoil, car dans le Saloum pas de station service à chaque virage. Alors on avance fièrement sous voile dans les bras de mer entre les îles, sous l’œil étonné des piroguiers. Mais, mais … parfois, sous l’œil amusé des piroguiers, pour trouver la bonne passe entre les bancs de sable en embuscade sous l’eau, la lenteur et la patience vous ont donné rendez-vous. Sous l’arbitrage implacable du profondimėtre il vous faut avancer à tâtons, accélérer, ralentir, reculer, repartir, toucher (mais pas échoué : ouf !), virer, revirer, insister et finalement passer avec parfois moins de 20 cm d’eau sous la quille… Et enfin mouiller dans un havre de verdure après avoir frôlé la crise cardiaque. Vite on réclame une bière et avec un peu de repos on en profite aussi pour savourer au maximum une des dernières tranches de cake de la Galette (nom de la boulangerie de Dakar qui les fabrique). Il n’y en aura pas de sitôt, ici pas de magasins !

Par contre dans le Saloum, il y a des écoles ! Celle de Mélisse et d’Erell est sur Penn Gwen. Pour que Mélisse comprenne les multiplications entre les dizaines, les centaines et les unités et qu’Erell dessine correctement les «l » et les jambes des «m»,  Flora explique, réexplique et se concentre pour garder son calme le plus longtemps possible. C’est aussi une école pour elle !

Une borne fontaine à Djirnda

La bonne surprise c’est de trouver de l’eau au robinet (borne publique) dans ces îles ! Alors comme à Dakar il faut bidonner. Bidonner c’est remplir les réservoirs du bateau avec des bidons de 5, 10, 20 litres et faire les aller-retours avec l’annexe depuis le rivage jusqu’au mouillage ! Ça vous a pris vingt fois plus de temps qu’avec le robinet sur le ponton. Alors quand on a bidonné on sait encore plus qu’ailleurs qu’il faut utiliser ses réserves avec parcimonie : Aurélien nous a montré qu’il est champion pour faire une vaisselle assiettes bien grasses avec moins de 2 litres d’eau. Et pour la toilette c’est pareil : un maximum de surface et de recoins avec un minimum d’eau.

Chez la famille Thiorr, au village de Maya

Vient le moment de la visite des villages et celui d’accepter le temps offert par ses habitants. Par exemple  pour siroter un thé (les trois traditionnels en fait) puis se laisser surprendre par l’invitation  à un repas, annoncé au moment où l’on se lève pour partir puis attendre qu’il soit prêt pour avoir le plaisir de le  partager avec ses hôtes. On était parti pour 30  minutes, on y est resté 3 bonnes heures. Qu’importe ! Aller dans le Siné Saloum c’est aller au bout du monde et se préparer à ne rien trouver d’autre que le temps qui passe au rythme des marées, du temps à partager entre soi, avec la nature et les villageois. Mieux vaut avant de partir ne pas oublier de faire ses courses et stocker des réserves de temps.

Xavier

7 réponses

  1. Christiane
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    Les équipiers se suivent et sacrifient vaillamment à la traditionnelle clause du contrat d’équipier Penn Gwen : rédiger un article du blog. Ainsi le style varie, les points de vue et éclairages également, merci Xavier des informations ! J’espère que tu as engrangé d’excellents souvenirs, puisque ton séjour se termine, eh oui, même en stockant de grandes réserves de temps (j’ai bien aimé la formule), deux semaines ça passe quand même vite…
    J’imagine bien les tâtonnements de navigation dans les méandres et les bancs de sable, entre les flotteurs et les filets ou casiers, gargl… ça doit être un peu stress le climat à bord dans ces cas-là, d’ailleurs dans les autres blogs de bateaux, ils signalent tous ces aléas.
    Et le transport de bidons, je vois bien aussi la gymnastique avec l’annexe. Aurélien, au final, tu as mis des bouts aux poignées des jerrycans ?
    Bises à tout le monde, et j’ai imprimé les photos de Dakar pour les envoyer à Mamy Claude, elle va être contente.

  2. Charles
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    Joli ! … « ne rien trouver d’autre que le temps qui passe au rythme des marées .. » !
    Merci de ce beau récit .. et profitez pleinement de « ce temps qui passe », d’autant qu’il a fâcheuse
    tendance à le faire beaucoup trop vite !
    Bises à tous et notamment à Mélisse et Erell.
    Charles

  3. Sandra
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    Coucou, toute la petite famille!!!! Ah qu’il est beau mon pays! L’article de Xavier et son style ont fait écho dans ma tête et m’ont rappelé un poème sur le Sine que j’avais appris à l’école. Un poème de Léopold Sedar Senghor originaire de la bas et qui en était très fier. On y retrouve cette langueur et ce temps distillés dans les vers dont parlent Xavier. Pour mes puces, la fin est un peu rude mais s’explique :
    « Nuit de Sine »
    Femme, pose sur mon front tes mains balsamiques,
    tes mains douces plus que fourrure.
    Là-haut les palmes balancées qui bruissent dans la haute brise nocturne
    À peine. Pas même la chanson de nourrice.
    Qu’il nous berce, le silence rythmé.
    Écoutons son chant, écoutons battre notre sang sombre, écoutons
    Battre le pouls profond de l’Afrique dans la brume des villages perdus.

    Voici que décline la lune lasse vers son lit de mer étale
    Voici que s’assoupissent les éclats de rire, que les conteurs eux-mêmes
    Dodelinent de la tête comme l’enfant sur le dos de sa mère
    Voici que les pieds des danseurs s’alourdissent,
    que s’alourdit la langue des chœurs alternés.

    C’est l’heure des étoiles et de la Nuit qui songe
    S’accoude à cette colline de nuages, drapée dans son long pagne de lait.
    Les toits des cases luisent tendrement.
    Que disent-ils, si confidentiels, aux étoiles ?
    Dedans, le foyer s’éteint dans l’intimité d’odeurs âcres et douces.

    Femme, allume la lampe au beurre clair, que causent autour les Ancêtres
    comme les parents, les enfants au lit.
    Écoutons la voix des Anciens d’Elissa. Comme nous exilés
    Ils n’ont pas voulu mourir, que se perdît par les sables leur torrent séminal.
    Que j’écoute, dans la case enfumée que visite un reflet d’âmes propices
    Ma tête sur ton sein chaud comme un dang au sortir du feu et fumant
    Que je respire l’odeur de nos Morts, que je recueille et redise leur voix vivante,
    que j’apprenne à
    Vivre avant de descendre, au-delà du plongeur,
    dans les hautes profondeurs du sommeil.

    • Christiane
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      Magnifique. Merci et bravo Sandra de nous faire partager cette poésie de Senghor ! Bisous

    • Xavier Courtois
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      Superbe poème, même s’il y a des références pour les initiés que je ne suis pas…
      Merci Sandra de nous l’avoir partagé!
      Le connais tu encore par cœur ?
      Des bises à tout le monde !

      • auflo
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        Oui, c’est vrai que nous ne comprenons pas tout. Nous ne sommes pas contre une explication de texte concernant les anciens d’Elissa ! Bises. Flo.

  4. dubreuil gérard
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    Partis pour une demi-heure et on reste trois heures, c’est pas de la tarte mais c’est une merveille! Le temps se sirote comme le thé et on en est tout alangui. C’est le bonheur . Cela n’empêche pas de se dépêcher si on en a envie , c’est la liberté.
    Merci Sandra pour ce poème de Senghor , très beau ; Senghor aimait fort son pays natal et nous le fait bien partager même si quelques explications seraient nécessaires.
    Des bises plus particulières à Erell pour son anniversaire que j’ai oublié de célébrer au bon moment . Mais aussi bien sûr à Mélisse et à ses parents .
    Grand-père .